La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) par Olympe de Gouges
En août 1789, l’Assemblée nationale constituante promulgue la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, un texte fondateur de la Révolution française, affirmant les principes universels de liberté, égalité et fraternité. Cependant, cette Déclaration omet complètement les droits des femmes, qui restent exclues du cadre juridique et politique révolutionnaire. En réponse, en 1791, Olympe de Gouges, figure importante du féminisme révolutionnaire, rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, un texte qui reprend en grande partie celle de 1789 tout en l’adaptant pour revendiquer les droits politiques et civils des femmes.
I. Textes de référence : similitudes et modifications
1. La structure des deux déclarations :
Les deux déclarations suivent la même structure, se composant d’un préambule suivi d’un ensemble d’articles. Cependant, Olympe de Gouges réécrit le préambule et certains articles en adaptant le texte aux femmes, souvent en gardant la même formulation mais en ajoutant systématiquement des références explicites à la « femme » et à la « citoyenne ».
2. Le préambule :
1789 : « Les Représentants du Peuple Français [...] ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme. »
1791 : Olympe de Gouges transforme cette formule pour inclure les femmes : « Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation [...] ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de la Femme. »
Modification et justification : Olympe de Gouges vise à inclure explicitement les femmes dans la notion de citoyenneté, soulignant que les femmes, en tant que mères, filles et sœurs, sont des parties prenantes de la société, autant que les hommes. En utilisant les mêmes structures grammaticales, elle renverse l'exclusivité masculine du texte de 1789 pour insister sur l’universalité de ces droits.
II. Analyse des articles modifiés et des ajouts significatifs
1. Article 1 : L’égalité :
1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
1791 : « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
Modification et justification : L’ajout par Olympe de Gouges de la phrase « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits » est central. Cela répond à l’exclusion tacite des femmes dans le texte de 1789. Olympe de Gouges revendique ici l’égalité absolue entre les sexes, affirmant que les femmes doivent bénéficier des mêmes droits et libertés que les hommes.
2. Article 6 : Participation politique :
1789 : « Tous les citoyens, étant égaux aux yeux de la loi, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
1791 : « La loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »
Modification et justification : Olympe de Gouges introduit ici l’idée que les femmes ont le droit de participer à la formation des lois et doivent être considérées comme des citoyennes à part entière, avec la capacité d’occuper des postes publics. Elle s'oppose à l'exclusion des femmes de la sphère politique, affirmant que leur participation est indispensable à l'expression de la volonté générale.
3. Article 10 : Liberté d’expression :
1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public. »
1791 : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. »
Ajout et justification : Cette phrase symbolique est l’une des plus célèbres de la Déclaration de 1791. Olympe de Gouges rappelle ici que les femmes sont punies par la loi comme les hommes (droit de monter sur l’échafaud), donc elles doivent aussi avoir le droit de s’exprimer librement et publiquement (droit de monter à la tribune). Ce passage reflète la demande d'égalité dans la liberté d'expression et d'action politique.
4. Article 17 : La propriété :
1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé. »
1791 : Olympe de Gouges inclut la femme dans cette revendication : « La propriété est commune à tous les sexes ; elle est inviolable et sacrée. »
Modification et justification : Olympe de Gouges réclame ici que le droit à la propriété, un des droits les plus fondamentaux, soit reconnu de manière égale pour les femmes et les hommes. Elle souligne que les femmes doivent bénéficier des mêmes droits économiques et financiers que les hommes.
III. Conclusion : Objectifs d'Olympe de Gouges
À travers ces modifications, Olympe de Gouges cherche à révéler les inégalités profondes entre les sexes et à revendiquer pour les femmes les mêmes droits civils et politiques que les hommes. Elle ne se contente pas de revendiquer l'égalité de principe, mais elle insiste sur la participation active des femmes dans la vie publique et leur reconnaissance en tant que citoyennes à part entière.
En réécrivant la Déclaration de 1789, elle expose l'injustice qui continue à exclure les femmes de l'espace politique et civique, et plaide pour une société où l’égalité des droits ne soit pas une abstraction, mais une réalité tangible. Elle met ainsi en lumière le paradoxe d'une révolution prônant la liberté et l'égalité tout en ignorant la moitié de la population.
Olympe de Gouges a donc voulu accomplir une révolution dans la révolution : non seulement une lutte pour les droits des citoyens, mais aussi pour ceux des citoyennes, ouvrant la voie à la revendication des droits des femmes dans les siècles à venir.