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Ecrire et combattre pour l'égalité. La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne Olympe de Gouges

Le 03/08/2024 0

Dans Ressources pédagogiques : examens 2024 et 2025

Un pastiche critique

Une littérature de combat

La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

Olympe de Gouges

Date 1791

Mouvement littéraire = Les Lumières

Parcours = Ecrire et combattre pour l'égalité

 

La declaration des droits de la femme et de la citoyenne olympe de gouges comment cette oeuvre illustre t elle le combat en faveur des droits de la femme

Pour revoir la vie et l'oeuvre d'Olympe de Gouges

Pour revoir vos commentaires, entraînez-vous

  • Quiz n°1
  • Revoir le  préambule
  • 21 questions / Correction 
  • Faire le quiz 
  • Quiz n°2
  • Quiz sur  les articles I à VI, revoir l'étude linéaire
  • 21 questions / Correction 
  • Faire le quiz 
  • Quiz n° 3
  • Quiz sur  l'importance des droits de la nature articles V à XI
  • 22 questions / Correction 
  • Entraînez-vous
  • Quiz n°4
  • Quiz sur le postambule de la Déclaration 
  • 25 questions / Correction 
  • Faire le quiz 

 

Olympe de Gouges, une femme engagée qui écrit pour combattre les inégalités.

De son vrai nom Marie Gouze est née en 1748, c'est une femme de lettres française devenue femme politique du 18e siècle, une des pionnières du féminisme français. Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ainsi que des écrits et pamphlets en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l'abolition de l'esclavage des noirs

Une fois veuve, elle s'est consacrée à l'écriture, publication de pièces de théâtre, toujours dans l'esprit d'une femme engagée pour l'esclavage et la libération de la femme.

Son combat pour l'égalité dépasse son œuvre la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et son engagement sera toujours centré autour de l'esclavage et des plus démunis.

Elle est condamnée à la guillotine en 1793

 

Référence au programme national d’œuvres pour l’enseignement de français

La note de service publiée au Bulletin officiel n°5 du 4 février 2021 indique pour l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle » les œuvres et parcours retenus pour les classes de première des voies générale et technologique. […] Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (du « préambule » au « postambule ») / parcours : écrire et combattre pour l’égalité.

Définition de l'égalité = l'« absence de toute discrimination entre les êtres humains, sur le plan de leurs droits » - Si on ramène cette définition au parcours « écrire et combattre pour l'égalité » et au titre de l'oeuvre d'Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, on comprend que le combat se concentre autour de l'égalité hommes et femmes, en particulier autour de leurs droits et libertés.

Source Eduscol 

La première difficulté de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne réside dans sa prétendue symétrie avec l’autre déclaration, celle de 17891 .

Il est cependant essentiel de noter que la déclaration de 1789 est un ouvrage 1/ collectif, 2/ public, 3/ légal et à visée constituante, qui fait actuellement partie du bloc de constitutionnalité en vigueur. L’audace d’Olympe de Gouges est de produire un modèle symétrique, mais son texte demeure un ouvrage 1/ individuel, 2/ relativement privé et en tout cas passé inaperçu à l’époque, 3/ sans dimension légale. Ce texte est surtout la trace d’un positionnement politique délicat entre conservatisme, rigueur morale et engagement passionné pour l’égalité.

Il y a un risque évidemment, encouru dès la lecture du titre, par cette forme au miroir de l’autre déclaration : considérer ce texte comme un modèle légal où disparaitrait la notion d’auteur. C’est d’ailleurs ce que souhaitait Olympe de Gouges en lui donnant cette forme de 1789, qui elle-même rappelle le décalogue biblique, rappel renforcé par l’iconographie républicaine

Il s’agit cependant d’un texte particulièrement pris en charge par la personnalité d’Olympe de Gouges, en dépit de ce pseudo-cadre anonymisant ; un texte vivant, contradictoire, donnant à penser sur une infinité de points mais certainement pas porteur de la logique judiciaire et constituante caractéristique de son modèle, fruit d’une pensée collective

 

Réécriture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

C'est une parodie, un pastiche.

C'est un texte tombé dans l'oubli du fait de la supériorité masculine mais les mouvements féministes du 20e siècle lui ont redonné vie. Olympe de Gouges fait figure de précurseur du féminisme.

Réécriture des articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour y introduire une égalité entre les sexes

C'est un pastiche critique. Dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges demande l'égalité des droits civils et politiques pour les deux sexes et affirme que cette égalité est un droit naturel que la force des préjugés a enlevé aux femmes.

Si l'humanité se voit attribuer des droits et des libertés, comment expliquer que les femmes soient privées de ces droits ?

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen = entendons par « Homme » le genre humain. Tous les hommes ont des droits et des libertés et pourtant les femmes, les esclaves et domestiques en sont privés.

Pastiche de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. L'homme est remplacé par la femme. Dans l'article 4, nous pouvons souligner l'ironie présente dans la dénonciation des conditions de la femme et la violence de l'homme. En effet « l'exercice des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose ».

Il s'agit de fixer les nouveaux droits = égalité, propriété, liberté = héritage des Lumières

Olympe de Gouges montre par cette réécriture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que ce texte est incomplet relativement à l'égalité des droits entre les sexes.

Réécriture = une révolution dans la révolution pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ce texte est en lien avec la révolution française et avec l'esprit des Lumières, il s'agit de lutter contre l'obscurantisme et les préjugés.

Problématique =

Comment cette œuvre illustre-t-elle le combat en faveur des droits de la femme ?

 

C'est une œuvre de combat.

La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est appliquée aux femmes. Les révolutionnaires ne respectent pas leur principe.

Il s'agira dans notre étude d'étudier le parcours sur l’égalité entre les hommes et les femmes, en privilégiant la notion de « droits », naturels ou dans leur acception sociale, politique, voire juridique.

L’idée de « combattre » est au cœur de l’enjeu du parcours, et l'écriture est une des armes de ce combat

Les deux infinitifs « écrire » et « combattre » sont reliés par la conjonction de coordination « et » - L'écriture est le moyen utilisé pour lutter pour la cause à défendre

Notre parcours nous amène à nous interroger

La littérature peut-elle être une arme au service d'un combat ?

- Les hommes sont coupables d'injustices, le ton est polémique, les phrases injonctives, les femmes doivent se révolter. Le mépris contre les idées reçues est évident. Notons l'importance de la référence à la nature pour dire que la femelle est l'égale du mâle. Articles 4 et 5, les droits et les libertés sont justifiés par la nature et par la raison.

Les droits et libertés de la femme

Les droits des femmes n'ont cessé de régresser du Moyen Âge au XIXe siècle. Destinées au mariage et à la maternité, les femmes n'ont quasiment pas de droits sociaux et juridiques.

Par la réécriture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Olympe de Gouges réclame les mêmes droits que les hommes : liberté d'opinion et d'expression, garantie des droits, égalité devant l'impôt, garantie de la propriété, accès à l'éducation.

Condorcet s'est déjà intéressé à l'égalité entre la femme et l'homme, aux droits de la femme mais Olympe de Gouges touche à la question de l'égalité et à celle de la responsabilité de la femme = les droits de la femme et son statut de mère et d'épouse.

donner le nom du père de l'enfant né hors mariage considéré comme « le tombeau de la confiance et de l'amour ». La femme ne doit pas vivre par le biais de l'homme, père, époux.

 

EN ECHO

 

La femme gelée, Annie Ernaux

  • Ce roman traite des limites de l’émancipation féminine, nous sommes dans les années 60. C’est une œuvre autobiographique.
  • Prise dans les contraintes d’un mariage et ses tâches ménagères, la jeune femme va progressivement perdre son enthousiasme et devenir une femme gelée.  Une femme happée par le conditionnement du quotidien que la société et l’institution du mariage imposent. 

Une écriture soucieuse de la réalité 

  • L’ambition d’Annie Ernaux est de rester fidèle au quotidien et de transcrire les difficultés de vivre, les souffrances telles qu’elles sont ressenties sans les transfigurer, sans les sublimer dans le but d’accentuer le poids du réel, du quotidien écrasant. Elle raconte la vie à l’état brut, la sienne et celle des autres.  Le lecteur s’y retrouve, il se projette et se reconnaît car personne ne peut échapper au quotidien.  La portée de l’écriture d’Annie Ernaux est donc universelle, elle touche tout le monde. 
  • La différence entre homme et femme transparaît de manière brutale et injuste car le rôle de la femme vient casser l’idéal d’égalité.  « Au nom de quelle supériorité », l’homme prône un idéal d’égalité mais dans les faits attend de la femme qu’elle cuisine et le serve, s’occupe de la maison et gère les courses. Annie Ernaux souligne l’inconsciente mauvaise foi de l’homme en contradiction entre ses mots et ses actes, « non mais tu m’imagines avec un tablier peut-être »
  • Nous sommes dans le schéma traditionnel du couple, la femme est nourricière et sacrifie ses études pour ses corvées incontournables et l’homme revendique la liberté égalitaire intellectuelle mais attend de son épouse qu’elle assume son rôle de femme au foyer. 

Aliénation, conditionnement et souffrance de la femme

  • Au lieu de se révolter, la femme calque au modèle conjugal de la société.  Elle se discrédite, renie ses premières aspirations, ses valeurs et substitue des épluchages de patates aux heures d’étude qu’elle doit sacrifier pour son mari.  Le quotidien prend le dessus. Renoncements, elle est prisonnière du modèle de vie qu’elle cherchait à fuir.  
  • On retrouve la justification du titre, la femme gelée, elle est dans le renoncement de ses premières aspirations, l’émancipation par l’égalité, la liberté, les études. 

 

Commentaire d'un extrait La femme gelée, d'Annie Ernaux 

Lecture de l'analyse et son questionnaire sur dubrevetaubac

Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac, je donne des cours de latin. Le soir descend plus tôt, on travaille ensemble dans la grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles, l’image attendrissante du jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m’attendrir si je me laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s’enlise, doucettement. En y consentant lâchement. D’accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même pièce que lui, à deux mètres l’un de l’autre. La cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L’un des deux se lève, arrête la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence.
Par la dînette. Le restau universitaire fermait l’été. Midi et soir je suis seule devant les casseroles. Je ne savais pas plus que lui préparer un repas, juste les escalopes panées, la mousse au chocolat, de l’extra, pas du courant. Aucun passé d’aide-culinaire dans les jupes de maman ni l’un ni l’autre. Pourquoi de nous deux suis-je la seule à me plonger dans un livre de cuisine, à éplucher des carottes, laver la vaisselle en récompense du dîner, pendant qu’il bossera son droit constitutionnel.
Au nom de quelle supériorité. Je revoyais mon père dans la cuisine. Il se marre, « non mais tu m’imagines avec un tablier peut-être ! Le genre de ton père, pas
le mien ! ». Je suis humiliée. Mes parents, l’aberration, le couple bouffon. Non je n’en ai pas vu beaucoup d’hommes peler des patates. Mon modèle à moi n’est pas le bon, il me le fait sentir. Le sien commence à monter à l’horizon, monsieur père laisse son épouse s’occuper de tout dans la maison, lui si disert19, cultivé, en train de balayer, ça serait cocasse, délirant, un point c’est tout. À toi d’apprendre ma vieille. Des moments d’angoisse et de découragement devant le buffet jaune canari du meublé20, des œufs, des pâtes, des endives, toute la bouffe est là, qu’il faut manipuler, cuire. Fini la nourriture-décor de mon enfance, les boîtes de conserve en quinconce, les bocaux multicolores, la nourriture surprise des petits restaurants chinois bon marché du temps d’avant. Maintenant, c’est la nourriture corvée.
Je n’ai pas regimbé21, hurlé ou annoncé froidement, aujourd’hui c’est ton tour, je travaille La Bruyère. Seulement des allusions, des remarques acides, l’écume d’un ressentiment mal éclairci. Et plus rien, je ne veux pas être une emmerdeuse, est-ce que c’est vraiment important, tout faire capoter, le rire, l’entente, pour des histoires de patates à éplucher, ces bagatelles relèvent-elles du problème de la liberté, je me suis mise à en douter. Pire, j’ai pensé que j’étais plus malhabile qu’une autre, une flemmarde en plus, qui regrettait le temps où elle se fourrait les pieds sous la table, une intellectuelle paumée incapable de casser un œuf proprement. Il fallait changer. À la fac, en octobre, j’essaie de savoir comment elles font les filles mariées, celles qui, même, ont un enfant. Quelle pudeur, quel mystère, « pas commode » elles disent seulement, mais avec un air de fierté, comme si c’était glorieux d’être submergée d’occupations. La plénitude des femmes mariées. Plus le temps de s’interroger, couper stupidement les cheveux en quatre, le réel c’est ça, un homme, et qui bouffe, pas deux yaourts et un thé, il ne s’agit pas d’être une braque22. Alors, jour après jour, de petits pois cramés en quiche trop salée, sans joie, je me suis efforcée d’être la nourricière, sans me plaindre. « Tu sais, je préfère manger à la maison plutôt qu’au restau U, c’est bien meilleur ! » Sincère, et il croyait me faire un plaisir fou. Moi je me sentais couler. Version anglaise, purée, philosophie de l’histoire, vite le supermarché va fermer, les études par petits bouts c’est distrayant mais ça tourne peu à peu aux arts d’agré- ment. J’ai terminé avec peine et sans goût un mémoire sur le surréalisme que j’avais choisi l’année d’avant avec enthousiasme. Pas eu le temps de rendre un seul devoir au premier trimestre, je n’aurai certainement pas le capes23, trop difficile. Mes buts d’avant se perdent dans un flou étrange. Moins de volonté. Pour la première fois, j’envisage un échec avec indifférence, je table sur sa réussite à lui, qui, au contraire, s’accroche plus qu’avant, tient à finir sa licence et sciences po24 en juin, bout de projets. Il se ramasse sur lui-même et moi je me dilue, je m’engourdis. Quelque part dans l’armoire dorment des nouvelles, il les a lues, pas mal, tu devrais continuer. Mais oui, il m’encourage, il souhaite que je réussisse au concours de prof,
que je me « réalise » comme lui. Dans la conversation, c’est toujours le discours de l’égalité. Quand nous nous sommes rencontrés dans les Alpes, on a parlé ensemble de Dostoïevski25 et de la révolution algérienne. Il n’a pas la naïveté de croire que le lavage de ses chaussettes me comble de bonheur, il me dit et me répète qu’il a horreur des femmes popotes. Intellectuellement, il est pour ma liberté, il établit des plans d’organisation pour les courses, l’aspirateur, comment me plaindrais-je. Comment lui en voudrais-je aussi quand il prend son air contrit d’enfant bien élevé, le doigt sur la bouche, pour rire, « ma pitchoune, j’ai oublié d’essuyer la vaisselle... » tous les conflits se rapetissent et s’engluent dans la gentillesse du début de la vie commune, dans cette parole enfantine qui nous a curieusement saisis, de ma poule à petit coco, et nous dodine26 tendrement, innocemment.
Annie Ernaux, La femme gelée. 


19. disert : qui s’exprime facilement et avec élégance.
20. meublé : appartement loué avec ses meubles.
21. regimber : protester, s’insurger.
22. braque (familier) : stupide, écervelé. Équivalent de « cinglé ».
23. capes : concours pour devenir professeur dans l’enseignement secondaire.
24. Sciences-Po : école prestigieuse d’administration.
25. Dostoïevski : auteur russe (1821-1881).

 

 

La mixité dans l'éducation au 18e siècle comme clé de la démocratie, de l'égalité, des libertés. Education moderne et émancipation

A consulter : 

 

Condorcet, Sur l’admission des femmes au droit de cité

L’habitude peut familiariser les hommes avec la violation de leurs droits naturels, au point que, parmi ceux qui les ont perdus, personne ne songe à les réclamer, ne croie avoir éprouvé une injustice.
Il est même quelques-unes de ces violations qui ont échappé aux philosophes et aux législateurs lorsqu’ils s’occupaient avec le plus de zèle d’établir les droits communs des individus de l’espèce humaine, et d’en faire le fondement unique des institutions politiques.

Par exemple, tous n’ont-ils pas violé le principe de l’égalité des droits en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? Est-il une plus forte preuve du pouvoir de l’habitude, même sur les hommes éclairés, que de voir invoquer le principe de l’égalité des droits en faveur de trois ou quatre cents hommes qu’un préjugé absurde en avait privés, et l’oublier à l’égard de douze millions de femmes ? [...]
Il serait difficile de prouver que les femmes sont incapables d’exercer les droits de cité. Pourquoi des êtres exposés à des grossesses et à des indispositions passagères ne pourraient-ils exercer des droits dont on n’a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers et qui s’enrhument aisément ?

En admettant dans les hommes une supériorité d’esprit qui ne soit pas la suite nécessaire de la différence d’éducation (ce qui n’est rien moins que prouvé, et ce qui devrait l’être, pour pouvoir, sans injustice, priver les femmes d’un droit naturel), cette supériorité ne peut consister qu’en deux points. On dit qu’aucune femme n’a fait de découverte importante dans les sciences, n’a donné de preuves de génie dans les arts, dans les lettres, etc. ; mais sans doute on ne prétendra point n’accorder le droit de cité qu’aux seuls hommes de génie. On ajoute qu’aucune femme n’a la même étendue de connaissances, la même force de raison que certains hommes ; mais qu’en résulte-t-il, qu’excepté une classe peu nombreuse d’hommes très éclairés, l’égalité est entière entre les femmes et le reste des hommes ; que cette petite classe mise à part, l’infériorité et la supériorité se partagent également entre les deux sexes. Or, puisqu’il serait complètement absurde de borner à cette classe supérieure le droit de cité, et la capacité d’être chargé de fonctions publiques, pourquoi en exclurait-on les femmes plutôt que ceux des hommes qui sont inférieurs à un grand nombre de femmes ? [...]

Les femmes sont supérieures aux hommes dans les vertus douces et domestiques ; elles savent, comme les hommes, aimer la liberté, quoiqu’elles n’en partagent point tous les avantages ; et, dans les républiques, on les a vues souvent se sacrifier pour elle : elles ont montré les vertus de citoyen toutes les fois que le hasard ou les troubles civils les ont amenées sur une scène dont l’orgueil et la tyrannie des hommes les ont écartées chez tous les peuples.
On a dit que les femmes, malgré beaucoup d’esprit, de sagacité, et la faculté de raisonner portée au même degré que chez de subtils dialecticiens, n’étaient jamais conduites par ce qu’on appelle la raison. Cette observation est fausse : elles ne sont pas conduites, il est vrai, par la raison des hommes, mais elles le sont par la leur. [...]

On a dit que les femmes, quoique meilleures que les hommes, plus douces, plus sensibles, moins sujettes aux vices qui tiennent à l’égoïsme et à la dureté du cœur, n’avaient pas proprement le sentiment de la justice ; qu’elles obéissaient plutôt à leur sentiment qu’à leur conscience. Cette observation est plus vraie, mais elle ne prouve rien : ce n’est pas la nature, c’est l’éducation, c’est l’existence sociale qui causent cette différence. Ni l’une ni l’autre n’ont accoutumé les femmes à l’idée de ce qui est juste, mais à celle de ce qui est honnête. Éloignées des affaires, de tout ce qui se décide d’après la justice rigoureuse, d’après des lois positives, les choses dont elles s’occupent, sur lesquelles elles agissent, sont précisément celles qui se règlent par l’honnêteté naturelle et par le sentiment. Il est donc injuste d’alléguer, pour continuer de refuser aux femmes la jouissance de leurs droits naturels, des motifs qui n’ont une sorte de réalité que parce qu’elles ne jouissent pas de ces droits.

Si on admettait contre les femmes des raisons semblables, il faudrait aussi priver du droit de cité la partie du peuple qui, vouée à des travaux sans relâche, ne peut ni acquérir des lumières ni exercer sa raison, et bientôt, de proche en proche, on ne permettrait d’être citoyens qu’aux hommes qui ont fait un cours de droit public. Si on admet de tels principes, il faut, par une conséquence nécessaire, renoncer à toute constitution libre.

 

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